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Albus Dumbledore avait toujours été secrètement fier de sa capacité à prédire chaque situation à laquelle il se confronterait. Il savait généralement ce que chacun de ses actes allait produire comme effet.


D'ordinaire, peu de choses pouvaient le surprendre, le décomposer. Avec le temps, il avait même fini par ressentir une certaine lassitude face à cette constance. Il regrettait même parfois de ne pas s'être trompé, de n'avoir pas eu tort.


Et pourtant, pour la première fois, il ne s'attendait pas à voir débarquer dans son bureau, son jeune protégé, une main fermement liée contre celle de Ginny Weasley, une colère indéfinissable sur le visage, une perplexité peinte sur ses traits et une certaine anxiété affichée et partagée par les deux jeunes gens.


Il n'avait pas prévu non plus qu'à ce moment là, Minerva serait dans ce bureau, en train de lui parler des mesures devant être prises pour garantir le déroulement des matchs de Quidditch cette année, se levant brusquement à l'entrée fracassante et assistant avec grande surprise, à cette arrivée.


N'ayant pas cette fois-ci toutes les éléments en main pour pouvoir prétendre placer son prochain pion, il se contenta alors de concentrer son attention sur le jeune professeur, curieux d'apprendre quelle pouvait être la cause de son bouleversement.


Ce dernier relâcha ainsi au dernier moment, la jeune fille, posant deux mains fermes sur le bureau professoral, peu attentif à la présence de la directrice adjointe de Poudlard, à ses côtés. Il fixa son regard, puissant, inaltérable, sur les prunelles de son mentor, y véhiculant toutes les émotions qui l'habitaient. Une légère aura s'échappait de lui, perceptible uniquement par celui qui lui faisait face.


_Je sais que vous en savez davantage que vous voulez le laisser entendre Albus. Il est temps que vous parliez.


_Que se passe-t-il, Harry ?


_Quand je vous ai parlé de mes rêves… de ces visions, vous avez tenté de banaliser tout cela, me faisant croire que cela ne signifiait rien. Mais ce n'était que des mensonges, n'est-ce pas ?


Le professeur ne répondit pas de suite, glissant un regard vers Minerva qui contemplait l'échange, choqué. Elle n'avait jamais vu le jeune homme si décomposé. Son attention se porta ensuite vers son élève. Celle-ci avait croisé les bras contre sa poitrine dans un geste protecteur et ne parvenait pas à détourner son regard du jeune Potter, comme si elle s'imaginait tout cela.


Albus se leva alors doucement, tournant un instant dos à l'assemblée, se concentrant sur le lac qui s'élevait sous ses yeux. Il vit au loin la lueur blanche et comprit qu'elle avait dû se manifester. Aussi tôt ? Il ne l'aurait cru. Il pensait candidement avoir plus de temps. Du temps pour les préparer, leur faire comprendre l'étendue de ce que tout cela impliquait.


Mais il semblait que la Providence en avait décidé autrement. Il était temps.


_Lorsque je t'ai révélé la Prophétie, je n'en avais qu'une connaissance partielle moi-même. Nul ne m'avait alors indiqué qu'elle détenait autre chose, d'essentielle. Lorsque je te l'ai donc révélé, j'étais persuadé d'en avoir compris l'essence. Et pourtant…


Il eut un long soupir avant de leur faire face de nouveau. Ils étaient prostrés dans la même posture, n'avaient cillés, attendant la suite.


_Il y a un an. La deuxième partie de la Prophétie m'a été présentée. Et j'ai compris mon erreur, à quel point je m'étais fourvoyé. J'avais passé tout ce temps à te former, pensant que tu étais notre unique salut, ignorant alors que tu aurais besoin d'une arme.


Son regard glissa vers la jeune fille derrière lui. Elle eut un sursaut lorsqu'elle comprit qu'il parlait d'elle. Un silence suivit cette annonce alors que le jeune Potter se redressait à son tour, passant une main dans ses cheveux.


_Elle ne peut pas être mêlée à tout cela… Par Merlin, maugréa Harry en se détournant d'eux, une couleur sourde se saisissant de lui.


_Comme pour la première partie de la Prophétie, rien n'indiquait que Miss Weasley serait la Promise. Voldemort, lui-même, l'a choisi lorsqu'il lui a remis son journal. Cela aurait pu être n'importe quelle jeune sorcière. Et pourtant, Voldemort vous a choisi Miss Weasley, involontairement certes, ignorant l'étendue de votre puissance.


_Que voulez-vous dire, Professeur ? S'enquit Ginny, pour la première fois, depuis qu'ils étaient entrés dans ce bureau.


_Voyons, Miss Weasley. Vous n'avez pas encore conscience de ce que vous êtes en mesure d'accomplir mais aucune autre personne de cette salle ne peut nier l'évidence. Voldemort a choisi un ennemi à sa hauteur. Encore une fois, inconsciemment.


Harry tourna le menton vers la jeune fille et capta ses prunelles. Evidemment, qu'il en avait conscience. Il n'avait jamais douté de cela, de ses capacités. Mais il refusait que ce soit elle. A cette simple idée, il serra les poings, les jointures de ses mains blanchissant sous la force qu'il contenait.


_Que sommes-nous censés faire à présent, Albus ? La former elle aussi pour qu'elle se dirige volontairement vers sa propre perte ? La former pour qu'elle nous serve de bouclier et se fasse exploser pour le plus grand bien ?


_Harry ! S'écria brusquement Minerva, sortant de sa torpeur.


_Non Minerva. J'ai accepté de jouer le rôle du porc que vous destiniez à l'abattoir sans broncher, j'ai assumé les fonctions qui me revenaient à ce titre, toute mon existence. J'ai accepté le fait que je ne survivrais peut-être pas à ce combat. J'ai fait la paix avec cette idée, me convaincant que je permettais à des familles entières de me survivre. J'ai accepté que je me devais d'être l'Ultime Sacrifice. Mais ça…cette vérité-là, je ne peux l'accepter, s'éructa le jeune homme, hors de lui.


L'aura l'entourant se fit plus importante, visible à présent par l'ensemble des personnes présentes. Albus demeurait inflexible alors qu'en lui-même, les mots du jeune homme l'affectaient plus qu'il ne pourrait jamais l'imaginer. Minerva avait porté inconsciemment une main à son cœur, les yeux humides.


La respiration du jeune Potter se fit plus haletante sous l'énergie qui lui était nécessaire pour se contenir. Il sentit alors avec surprise les doigts de la jeune fille se posaient sur sa main, déroulant un à un chacun de ses doigts pour les enlacer contre la sienne. Il eut du mal à lever les yeux vers elle, mais lorsqu'il le fit, il fut surpris de voir un regard déterminé. Comme si tout ce qu'il se disait ici n'avait pas d'importance. Elle ne cillait pas, ne pleurait pas. Elle semblait accepter l'idée. Ce constat l'agaça davantage.


_Non Ginny. Vous ne pouvez pas…


_Ce n'est pas à vous de décider, Harry. Ni même à moi. C'est écrit.


_Non ! Je m'y refuse, il doit y avoir un moyen d'y remédier, répliqua-t-il, désespéré vers son mentor.


_Je crains que non, Harry. La raison de votre présence ici est, je suppose, conséquente de votre rencontre avec une lueur blanche dans la Forêt Interdite.


_Vous étiez donc au courant ! Par Merlin, Albus ! S'exclama Harry, en secouant la tête de dépit. Ginny resserra sa poigne autour de la main du jeune Potter, l'empêchant de poursuivre sur sa lancée.


Elle lui demanda silencieusement de laisser le Professeur terminer. A cette vue, Albus comprit que les choses étaient déjà en marche ou l'avaient-elles toujours été ? Qu'importe, à présent, ils étaient liés. C'était incontestable.


_ Cette lueur prend sa source d'une magie très pure, manipulable par des êtres encore plus purs. Elle ne se manifeste qu'en ces temps très sombres pour guider les Elus, leur permettre d'achever leur mission.


_ D'où vient-elle ? Qui se trouve derrière ? Questionna Ginny, plus sereine à présent. Elle ne pouvait l'expliquer mais elle était moins effrayée qu'un moment auparavant, dans cette forêt.


_Merlin est le premier à l'avoir institué. Elle est insufflée par ceux qui vous ont précédés.


_C'est-à-dire ? Poursuivit la jeune fille, face au silence de son compagnon.


_D'anciens Elus. Ils seront vos guides dans cette tâche, vous formeront.


A ces mots, il fit un geste de la main et invoqua silencieusement le livre apporté par Phinéas Black. Un ouvrage ancien à la reliure fragile apparut alors sur le bureau du professeur dans un bruit sourd et prit place dans un mélange de poussière face à eux. Un symbole étrange doré était gravé sur la couverture d'un vert émeraude.


_Le fait que cette lueur se soit révélée à vous signifie qu'il est temps que vous embrassiez votre destinée.


_Elle n'est pas prête, Albus, s'exclama Harry une nouvelle fois.


_Il sera donc nécessaire que tu la formes pour qu'elle le soit, Harry, répondit calmement son mentor.


_Je ne peux pas croire que vous m'ayez caché cela, reprit le jeune homme, en passant une nouvelle fois sa main libre dans sa chevelure.


_Certaines choses ne peuvent être dites qu'en temps voulu, tu le sais mieux que quiconque.


_Mais cela…Elle n'a pas la moindre idée de ce que cela implique.


_Pourriez-vous arrêter de faire comme si je n'étais pas là ? C'est très agaçant, s'insurgea Ginny, en le fusillant du regard.


Les yeux de Dumbledore pétillèrent d'amusement à cette remontrance mais il n'en fit rien. Ce n'était pas le moment. Une tension sans nom continuait d'émaner du jeune Potter.


_Toutes nos excuses, Miss Weasley.


_Que faisons-nous à présent ? Demanda alors la jeune fille.


_Vous avez été choisis. Vous serez alors forés et porterez donc le sceau de l'Allégeance, poursuivit Albus en désignant la couverture.


_Qu'attendez-vous de moi ? Demanda-t-elle d'un ton déterminé, fort.


Elle ne vacilla pas sous le poids de la révélation, acceptant les informations qu'on venait de lui faire parvenir. Harry la contempla alors, ébahi. Il avait lui-même beaucoup de mal à accepter tout cela. Il comprit cependant leur choix, l'importance que ce fut elle. Il n'aurait pu en imaginer une autre. Selon la Prophétie, elle lui serait d'une aide inestimable. Elle en serait même la principale motivation.


_Miss Weasley, vous êtes la Promise. Votre mission est ainsi claire. Votre mission est de sauver l'Elue.


_De quoi, suis-je censée le sauver ? Comment ? Poursuivit-elle pareillement, l'air concentré, inaltérable.


_De cela, vous en êtes la seule détentrice.


Albus Dumbledore fit alors un signe de tête à sa directrice adjointe et Minerva saisit les mains des deux jeunes gens. Ils n'échangèrent aucun regard, aucune parole alors qu'elle tournait leurs paumes vers le haut. Elle extirpa sa baguette de son carcan et dessina sur chacun de leurs poignets, un symbole clair et précis : une rune.


Une douleur lancinante se propagea en cet emplacement alors qu'elle les marquait dans leur propre chaire. Ginny grimaça légèrement avant de jeter un coup d'œil à la dérobée à son compagnon qui demeurait stoïque. Sans surprise. Il ne pouvait déroger aux paradigmes de la légende qui l'entourait. Elle retourna son attention vers son professeur de Métamorphose qui finissait le dernier arc avant de les relâcher et de retourner dans l'ombre, laissant à la vue de leur assistance, le sceau d'Allégeance.


Le jeune Potter leva alors le regard vers son mentor. Ils échangèrent des paroles silencieuses pendant un moment, comme s'ils débattaient intérieurement, refusant de laisser aux autres personnes présentes l'occasion de comprendre l'étendue de leurs batailles internes. Harry finit cependant par baisser les yeux de dépit avant de les relever, déterminé vers les trois autres personnes qui occupaient les lieux, martelant avec une profondeur jusqu'alors inconnue des autres, la promesse suivante :


_Ainsi, soit-il. Mais qu'il soit clair, et peu m'importe ce qu'une Prophétie a pu dire, de ce qu'une lueur a pu décider ou de la volonté d'une armada d'Elus qui nous contemplent ici ou là-bas, Ginny aura beau avoir le titre d'Elu, elle ne sera pas destinée à me suivre.


_Que… Commença la jeune femme.


_Tu me survivras, Ginny. C'est irrévocable, la coupa-t-il, fourrageant à présent son regard.


_Tu me survivras, si c'est nécessaire, murmura-t-il, une seconde fois, mettant toute la ferveur dans son regard.


Elle fut interdite et ne remarqua donc pas, à la différence de l'assistance, la légère teinte dorée que prenaient leurs marques communes, comme si elles venaient confirmer sa promesse, la sceller définitivement.


Le professeur McGonagall se tourna alors vers le directeur qui opina lentement, comme s'il devenait ce qu'elle refusait de dire. Elle se détourna alors d'eux, se dirigeant vers la porte, laissant une larme silencieuse glisser le long de sa joue. Elle ignorait ce qui les attendait mais avait l'impression d'avoir scellé leur destin et de les avoir ainsi mené tout deux à leur perte.


Le regard du jeune Potter se posa alors une dernière fois sur celui du directeur qui acquiesça une dernière fois, comprenant tout ce qu'il ne pouvait dire devant la jeune fille.


Cette dernière contempla silencieusement la nouvelle rune qui ornait son poignet, se demandant alors ce qui les attendait.

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