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Elle croisa les bras dans sa poitrine comme un bouclier protecteur qui éloignerait d'elle ce qui la nuirait. Poudlard s'étendait face à elle dans toute sa prestance, parcourant les landes, prête à se refermer sur sa proie la plus fragile. Elle s'imposait sur les plaines et jalonnait sa terre de rares feuillages, rougies par l'automne arrivant.


Elle avait toujours admiré ce lieu, percevant dans sa chaleur, une familiarité propre. Comme s'il la reconnaissait. Et à cette heure, là où la plupart de ses camarades rendait visite à Morphée, elle partageait une intimité avec ce lieu, inédit. Elle, ses pensées, et le vide en-dessous, c'était cette garantie que lui offrait la Tour d'Astronomie.


Elle ne parvenait pas à croire en voyant ce ciel étoilé, ce paysage fabuleux qu'à seulement quelques kilomètres de là, une bataille sanglante, meurtrière sans nom se menait dans l'ombre. Hier encore, on lui annonçait la perte d'un ami, d'une connaissance, d'un visage connu qu'elle voyait arpenter les couloirs, l'interpelant parfois pour telle ou telle information, partageant une ou deux classes. Aucune véritable relation ne les liait et pourtant, sa mort l'avait marqué, et son visage, apparu ce matin dans la Gazette, ne cessait de la hanter.


Comme elle aurait aimé pouvoir y remédier, pouvoir se battre à son tour contre les Forces des Ténèbres à l'instar de ses parents, de ses frères. Mais ceux-là semblaient tant vouloir la préserver, tant lui permettre de ne pas connaître les horreurs qu'ils voyaient au quotidien, qu'ils affrontaient sans relâche. Elle espérait qu'à la fin de cette année, une fois diplômée, elle parviendrait à les convaincre de ses capacités, qu'elle était à la hauteur.


Un soupir lui échappa alors qu'elle s'extirpa de sa posture initiale et replaça une mèche rebelle derrière son oreille, récupérant ensuite les bouquins qu'elle avait déposé tantôt sur la rambarde. Elle sortait tout juste de la bibliothèque et avait souhaité prendre l'air avant de regagner son dortoir. Alors qu'elle se détournait du paysage, un mouvement attira son attention. Il ne s'agissait pas d'une forme humaine. Cela était presque imperceptible dans la noirceur si ce n'était l'espèce d'halo qui l'entourait.


La « chose » semblait se mouvoir, avancer sur l'eau, en effleurant presque la surface. Elle était oscillante et pourtant, si captivante. Ginny Weasley s'approche alors du bord de la Tour, souhaitant être sûre de ce que ses sens percevaient, souhaitant être sûre qu'elle ne rêvait pas.


Une fraîcheur sans nom saisit son échine alors qu'un frisson lui parcourait le corps, la forçant à ramener davantage contre sa poitrine, ses ouvrages. Elle aurait être terrifiée, fuir sans un regard en arrière mais elle n'y parvenait pas. Elle était comme paralysée, incapable de bouger. Cette « chose » en avait décidé ainsi.


Elle s'arrêta soudainement au beau milieu de l'eau, sous la lune blafarde qui lui donnait une certaine consistance, une certaine apparence et elle demeurait ainsi à attendre…Mais attendre quoi ? Qui ?


Nulle réponse ne venait à l'instant alors que les deux êtres se jaugeaient, comme un moment suspendu, irréel.


Un miaulement fit sursauter la jeune fille, lui arrachant un cri. Elle se retourna alors pour se trouver face à face avec Miss Teigne, la chatte de leur concierge, Mr Rusard. Elle maugréa contre le stupide animal, espérant se dérober avant l'arrivée de ce dernier. Elle n'eut de chance lorsqu'elle tomba nez à nez avec l'horrible personnage.


_Miss Weasley, quel plaisir de vous trouver ici ! Venue admirer la vue ?


_Je…J'étais…


_Epargnez-moi vos excuses, Miss. Une heure à astiquer les décorations de la Salle des Trophées devrait suffire à vous faire méditer sur l'importance du respect du Règlement. Filez dans votre dortoir avant que je ne double la mise.


Ginny ne chercha pas à négocier. Cet être était affreusement abominable mais elle ne pouvait s'empêcher de ressentir une certaine pitié pour l'homme. Elle avait entendu, d'une conversation entre deux fantômes du château, qu'il avait été laissé à la porte de Poudlard, à sa naissance, abandonnée, sans amour. Elle ne pouvait que le plaindre, même s'il rendait toute compassion bien difficile dès qu'il s'exprimait.


Elle opina alors avant de le contourner et de quitter les lieux. Elle redoubla d'allure, se hâtant vers son dortoir, mettant une certaine distance entre le concierge et elle. Passant près d'une haute vitre, elle tenta de percevoir si la forme était toujours là. A cette distance, hauteur, le lac semblait imperturbable, comme s'il n'avait aucunement été le témoin d'une manifestation irréelle.


Elle eut un soupir avant de déposer son front contre la vitre. Deviendrait-elle folle ? Perdait-elle la tête ? Elle était pourtant si persuadée de l'avoir vu. Cette forme était là, qu'importe ce qu'elle fut. La fraîcheur de la glace la réveilla suffisamment pour qu'elle s'éloigne et ne reprenne sa route, la tête pleine. Serait-ce un sort jeté par un sorcier alentour ? Un mirage de la lune ? Serait-ce le fait du Château ? Avait-il souhaité se manifester ?


Elle passa une main sur son front, en escaladant les marches la menant au portrait de la Grosse Dame. Elle n'était pas rassurée, comme si elle continuait à être suivie…comme si elle n'était pas seule. Bon sang ! Elle devenait sérieusement paranoïaque. Elle prononça le mot de passe, ignorant les remarques acerbes de la muse et ne retrouva un semblant de sérénité qu'en pénétrant dans la Salle Commune.


Elle jeta un regard sur le portrait qui se refermait, percevant dans ce léger grondement, un appel plus faible, plus effrayant comme si c'était son prénom qui était murmuré dans la pénombre.


_Où étais-tu donc passée ? S'exclama la voix de son meilleur ami, la faisant une fois de plus sursautée.


Neville Londubat était allongé sur un divan, face à la cheminée, le nez plongé dans un bouquin sur la botanique. Un de ceux qu'il adorait.


Elle prit une longue inspiration avant de se tourner vers lui, espérant qu'elle n'était pas aussi livide qu'elle se sentait l'être.


_J'étais à la bibliothèque. Je n'ai pas vu le temps passé, répondit-elle en s'installant sur l'un des bras, près de sa tête.


_Qu'est-ce qui s'est passé ? Tu sembles sur les nerfs, reprit-il, une inquiétude pointant dans la voix.


_Je me sens éreintée. Tout ce qu'il me faut est une bonne nuit de sommeil, soupira-t-elle, en lui retirant quelques mèches de cheveux qui lui étaient retombés sur le front.


Leur proximité en avait fait jaser plus d'un à Poudlard mais ils savaient tous deux qu'il ne s'agissait pas de cela entre eux. Ils s'étaient rencontrés lors de leur première année en ces lieux, dans le train qui les menait vers de nouvelles aventures. Elle l'avait aidé à trouver son crapaud immonde et ils ne s'étaient plus séparés. C'était une profonde amitié teintée d'un puissant sentiment fraternel. En d'autres termes, il était sans aucun doute la personne la plus importante dans sa vie.


De plus, ce que beaucoup de leurs camarades ignoraient, c'était qu'il était tombé follement amoureux de la plus improbable des Sorcières, une jeune Serdaigle à l'imagination débordante, qu'il n'est pas parvenu encore à séduire mais Ginny était confiante. Dans très peu de temps, Luna Lovegood verra en son ami, l'évidence. Ils se côtoyaient, se tournaient autour mais la jeune fille ne semblait pas encore se rendre compte de ce qu'il en était réellement. Elle était tellement…décalée.


Ginny taquinait souvent son ami en lui disant qu'il n'avait pas choisi la facilité.


_Ernie nous a raconté son premier cours avec Potter, aujourd'hui.


_Qu'a-t-il dit ?


_Que cet homme était véritablement une légende. Il était extatique à la perspective de son prochain cours.


_Cela ne m'étonne pas. Mon frère travaille avec lui et ne tarit jamais d'éloges à son égard, continua la jeune fille.


_C'est étrange tout de même que tu ne l'ais jamais rencontré. Il connaît quasiment tous les membres de ta famille.


_Ma famille ne souhaite pas que je côtoie cette part de leur vie. Je suis…mise à l'écart de ces sujets et de ce qui s'y approche dont Potter. Mais à chacune des visites de mes frères, je bois littéralement leurs récits, ceux qu'ils pensent que je peux supporter. C'est assez frustrant de ne pas pouvoir faire partie intégrante de leur équipe.


_C'est une question de temps, j'en suis sûr, la rassura-t-il.


Elle opina lentement avant de poursuivre :


_Quoiqu'il en soit, j'ai vraiment hâte de voir ce dont il est capable mais plus encore ce qu'il est capable de me rendre capable de faire. Il a vécu tant de choses. Dumbledore n'aurait pu trouver meilleur enseignant, surtout en ces temps sombres, termina-t-elle à mi-voix, le souvenir de leur camarade perdu lui remontant à la surface.


Neville acquiesça lentement, contemplant sa jeune amie, perdue dans ses pensées. Elle était sublime, d'une rare beauté mais ce n'était pas cela qui la rendait si merveilleuse. C'était ce qu'elle était, sa manière de voir les choses. Il en était admiratif.


S'il adorait Luna, était prêt à déposer son destin à ses pieds, il était convaincu que Ginny était son âme sœur. Littéralement. Elle était cette famille qu'il n'avait plus. A la mort de sa grand-mère, il avait su qu'il n'aurait qu'elle.


_Je vais me coucher. Bonne nuit Neville, lui souhaita-t-elle en déposant un baiser sur son front.


_Bonne nuit Gin'.


Elle se releva et se dirigea vers son dortoir. Elle n'était pas encore remise de ce qu'elle venait de vivre mais ici, elle se sentait à l'abri. Elle avait le sentiment que rien ne pouvait l'atteindre. Elle entra silencieusement dans sa chambre, espérant ne pas réveiller ses amies et s'enferma dans la salle de bain.


En se contemplant dans le miroir, elle n'arrivait pas à savoir si c'était vraiment elle qui se trouvait là ou juste une ombre qui se tenait là. Elle n'était plus certaine des apparences. Elle était chamboulée et ne pouvait s'empêcher de penser à tout ce que cela pouvait impliquer. Ce n'était pas rien ce qu'elle avait vu, ce qu'elle pensait avoir entendu.


Et cela ne présageait rien de bon.


-SA-


« La Promise jaillira des temps incertains, sombres et sanglants.


Elle naîtra du Courage et de la Compassion.


Elle dessinera le Destin et libèrera les astreints.


Elle lui portera Allégeance et Il construira son Alliance.


Et de leurs mains unies, naîtra le Royaume du juste, renversant l'Obscurité.


Et de leur étreinte, jaillira la Vérité.


Car il sera son glaive et elle, son bouclier.»


La voix de Sybille Trelawney s'évapora dans l'air ambiant alors que se pétrifiaient les présents. Minerva McGonagall n'aurait pu croire la portée de ce qu'elle venait d'entendre. Elle fut la première à sortir de sa léthargie et de contempler le visage de Severus Rogue et Albus Dumbledore à ses côtés. La pensine était postée entre eux et elle pouvait encore percevoir le visage de sa collègue qui tourbillonnait.


Cette prophétie bouleversait tout. Elle avait été faite quelques jours auparavant par Sybille alors qu'elle s'entretenait avec le directeur. Ni l'un, ni l'autre n'avait songé qu'une telle révélation se ferait. Et pourtant…les voici.


_Qu'est-ce que cela signifie, Albus ?


_N'est-ce pas claire, Minerva ? Comment cela aurait-il pu en être autrement ? L'amour, Minerva. L'amour sera notre salvation.


Sur ces mots, il eut un large sourire qui pétrifia ses collègues, leur assurant que leur directeur n'avait plus toute sa tête.

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