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Chaque année, la salle de cours de Défense contre les Forces du Mal se métamorphosait pour revêtir l'allure dépeinte par le professeur qui l'occupait. Les élèves avaient ainsi pu admirer tour à tour les fantasques de Gilderoy Lockart, aujourd'hui internée à l'hôpital Saint-Mangouste pour démence profonde. Dans sa quête de la gloire, il s'était aventuré trop loin et avait fini par se perdre au sens propre comme au figuré. Nul n'avait réellement ce qu'il s'était passé mais il lui arrivait de sursauter sans raison apparente tout en se tournant de tout côté.


Il avait été remplacé par Renelle Vireloc, un sorcier bien trop adepte de magies occultes. Il avait tendance à se promener trop près des limites acceptables et acceptées par la communauté magique. Il n'avait pas terminé l'année et le professeur McGonagall avait assuré ses cours jusqu'à la fin de l'année. Elle ne lui avait pas dit ce qu'il était devenu mais des rumeurs couraient qu'il avait fini à la prison d'Azkaban, suite à un évènement particulièrement malencontreux.


Remus Lupin lui avait succédé l'année suivante. Il avait été de loin le plus compétent de tous. Brillant, il avait réussi à véritablement leur inculquer les rudiments de cette science. Il n'avait malheureusement pas duré, une fois que fut révélé son bien triste secret. A chaque pleine lune, il se transformait en loup-garou et n'avait aucun souvenir de ses actes le matin suivant. Il avait été découvert par un membre de l'équipe professoral, selon certains élèves, qui finit par ébruiter l'affaire.


Les parents refusant de voir une telle créature s'occupait de leurs enfants avaient harcelés le directeur jusqu'à ce que Remus ne décide de remettre sa démission.


Après lui, ce poste fut occupé par une succession d'incompétents au grand damne des élèves. La pire de tous était sans conteste Dolorès Ombrage, envoyée du Ministère qui pensait sincèrement pouvoir révolutionner l'enseignement en s'octroyant ce poste. Elle était apparue du jour au lendemain, sans crier gare, s'ingérant dans tous les aspects de Poudlard, souhaitant en prendre le commandement. Son ascension ne dura que l'ombre d'une année. Elle finit par être terrassée par ses propres idées et trainée par des centaures sur plusieurs kilomètres. Personne ne la regretta. Aujourd'hui, elle tenait parfois compagnie à Lockart. Il paraîtrait même qu'ils chuchotaient pour communiquer, persuadés qu'ils étaient entendus. Et lorsqu'un infirmier farceur imitait le bruit d'un hennissement, un cri échappait à la bonne dame.


Autant dire que beaucoup d'espoir reposait sur le jeune Potter. Ce sentiment s'était forgé sur la base de sa légende, des expériences et miracles qui lui étaient attribuées. Il représentait la fin d'une ère et tenait entre ses mains, la connaissance qui leur avait fait défaut. C'était ainsi du moins que le percevait les élèves de septième année des maisons Serdaigle et Gryffondor, installés ce jour-là dans la salle, les yeux fixés sur leur professeur.


Harry Potter se tenait devant eux, adossé sur son bureau. Sa longue cape de sorcier reposant sur son dossier. Il avait remonté les manches de sa chemise sur ses avants bras et croisés ses chevilles dans une posture presque nonchalante. Il était ainsi depuis un moment, n'avait pipé mot et s'était contenté de les regarder tour à tour. Il sondait chaque élève, se forgeant déjà une opinion. En tant qu'Auror, il était capable d'en savoir beaucoup sur un sorcier rien qu'en étudiant sa posture, sa gestuelle, son regard.


Il fut ravi de reconnaître un sentiment quasi-commun, habité par chacun, une volonté de faire ses preuves, une excitation palpable d'enfin agir. C'était exactement ce qu'il avait espéré trouver en arrivant ici. Il avait déjà eu l'expérience avec leurs camarades de Poufsouffle et Serpentard, bien que ce fut plus compliqué de tirer quoique ce soit de ces derniers. La plupart était déjà enrôlée par les Ténèbres, serviteurs presque autoproclamés de Voldemort. Il en avait redressé quelques uns mais cela ne s'arrêterait pas là. Il en avait conscience. Cependant, contrairement aux promotions précédentes, de par leur âge, leur vécu, les septièmes années exultaient de cette même volonté d'agir.


Il finit par se redresser subitement, en surprenant plus d'un avant de s'exprimer enfin :


_Je suis Harry James Potter mais vous le savez déjà. Je suppose que vos camarades vous ont déjà largement conté le déroulé de nos séances.


Il obtint un rire de l'assistance ce qui était déjà en soit encourageant. Il fit quelques pas, en glissant ses mains dans les poches de son pantalon.


_Combien d'entre vous ont perdu un être cher à cause des agissements de Voldemort ?


Un frisson parcourut l'assistance, ponctué de cris d'effrois. Harry se retint de lever les yeux au ciel. A force de côtoyer l'Ordre, il en avait oublié que le reste du monde sorcier craignait de prononcer le nom de leur bourreau. Une pensée furtive lui passa à l'esprit, une chose que Hermione lui avait, un jour, dit : « Avoir peur de prononcer le nom d'une chose ne faisait qu'accroître la peur de la chose elle-même ».


Il allait devoir leur apprendre à faire fi de cela. Il n'avait pas eu la même approche avec les Serpentard car il savait que pour la plupart, ils en tireraient un sentiment de fierté qu'il ne souhaitait pas insuffler.


Il n'obtint d'abord aucune réaction puis une main se leva fermement. Il affronta le regard du jeune homme face à lui. Il en avait déjà vu des milliers de sorciers passés avec cette expression qu'il y reconnaissait. C'était une blessure, une plaie béante difficile à dissimuler, à ignorer. Malgré les efforts voués à la voiler, elle persistait, suintante.


Harry la comprenait…Il la partageait. La perte d'une part de soi. Une personne proche. Des parents, peut-être ?


Le jeune professeur hocha la tête comme pour lui signifier qu'il avait saisi avant de regarder tout autour. D'autres mains se firent plus hésitantes. Quasiment toutes.


Un mouvement attira son regard à droite. Il contempla la crinière rousse un instant, y reconnaissant la marque des Weasley. Le visage de la jeune femme suivit le mouvement de son bras bien droit, levée avec détermination. Ses prunelles d'un marron clair se figèrent alors sur les siennes, oscillant légèrement sur la force de son regard.


Elle fut surprise de tomber sur son attention et ne put contenir le feu qui prit place sur ses joues. Elle s'efforça cependant de ne pas céder à la tentation de détourner le menton. Elle ne devait pas lui paraître faible. Il maintint le contact. Cela lui sembla une éternité alors que cela n'avait duré que quelques instants.


Elle le contempla longuement avant qu'il ne détache son regard et ne reprenne le fil de son cours, leur expliquant le programme, ce qu'il espérait accomplir et ce qu'il attendaient qu'ils réalisent. Il leur insuffla ainsi un nouveau sentiment qu'ils n'avaient plus osé ressentir : l'espoir. Il leur redonna foi en leur pouvoir, leurs capacités, insistant sur leur rôle qu'ils étaient en mesure de jouer, qu'ils devaient jouer. Il balayait leurs incertitudes, leur redonnant confiance en un futur qu'ils ne pensaient plus possible.


Ses camarades lui posèrent alors quelques questions, tentant d'en découvrir plus sur la légende qu'il incarnait, essayant de mettre en lumière la vérité des récits qu'on lui octroyait, déterminés à séparer le mythe de la réalité. Il répondait patiemment, n'édulcorant en rien son propos. Il était honnête, franc, refusant d'embellir ou d'adoucir son vécu.


Elle fut fascinée par l'aura qui émanait de lui, le sentiment de sécurité qu'il prodiguait, la force sourde qui suintait de chacun de ses mouvements. Elle ne pouvait détacher ses yeux de lui, comme happée par tout ce qu'il était, de sorte qu'elle ne réagit pas tout de suite lorsqu'il leur annonça la fin du cours. Elle rassembla ses affaires et commença à quitter les lieux à l'instar des autres élèves, sa tête tourbillonnant de ce premier cours, de la personne qu'elle venait de rencontrer.


Alors qu'elle se dirigeait vers la sortie, ce dernier l'interpela. Elle eut un sursaut en entendant son nom de famille. Elle signifia à Neville qu'elle le rejoindrait à leur prochain cours et se tourna vers son professeur. Il avait repris sa posture initiale, adossé contre son bureau et fixait son regard sur elle comme s'il souhaitait en voir à travers. Un sentiment très perturbant.


_Une mission m'a été confiée, vous concernant.


_Vraiment ? S'enquit-elle, interloquée.


_Vos six frères m'ont chargé de veiller sur vous, soulignant que si je n'étais pas à la hauteur, ils s'occuperaient personnellement de mon cas, reprit-il, un sourire en coin.


Elle se retint de lever aux yeux au ciel, face à l'attitude de sa fratrie. Ils allaient l'entendre.


_Ne vous en faites pas, je sais généralement très bien prendre soin de moi.


_Je n'en doute pas. J'ai entendu parler de vos aptitudes. Je souhaitais juste vous dire que j'étais là, au besoin.


_Merci, professeur.


Il opina alors et elle se retira, sentant toujours elle les deux émeraudes qui la jaugeaient. Elle ne pourrait s'y faire à ses yeux. Elle ne pourrait ignorer le malaise qu'il faisait naître en elle. Elle ne pouvait l'ignorer.

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