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Elle courait à en perdre haleine. Neville et quelques uns de leurs amis la talonnaient de près. Ce qui aurait dû une simple sortie à Pré-au-Lard avait fini en un véritable bain de sang. Des Mangemorts étaient apparus de toute part alors qu'ils sortaient de Honeydukes, provoquant une déferlante de passants paniqués qui tentaient de transplaner pour ceux qui pouvaient, de fuir pour les moins aisés.


Les éclats de rire qui avaient habités leur groupe, laissèrent peu à peu place à des halètements de peur qui précédèrent leurs mouvements.


Ginny tenait son cœur qui tentait de quitter sa poitrine d'une main et sa baguette fermement de l'autre. Elle fut alors bousculée de toute part, trébuchant presque avant que ses pieds ne touchent plus terre face à la foule qui l'emmenait.


_Ginny, s'écria Neville derrière elle mais elle ne pouvait le percevoir.


Elle se débattit férocement, assénant là où elle le pouvait des coups de coude bien maîtrisés. Un gémissement de douleur résonna près d'elle lui permettant d'avoir une dérobée et de s'y engouffrer. Elle se retrouva dans une allée silencieuse, reculée, hors portée de la folie environnante. Elle s'adossa un muret pour reprendre son souffle, regardant de tout côté pour s'assurer que rien ne la surprendrait.


Au bout d'un moment, les bruits de pas heurtant les pavés se turent et elle put presque prétendre que le calme était de retour à Pré-Au-Lard. Elle émit un long soupir en remerciant Merlin de lui être venue en aide.


Elle recula de plusieurs pas, prête à rejoindre l'allée principale lorsqu'en se retournant, elle heurta un obstacle dur et se retrouva le nez plongé dans une odeur des plus nauséabondes. Elle eut un mouvement de dégoût, lui permettant de recouvrer légèrement les esprits avant qu'une poigne lui saisisse le bras et qu'elle ne tombe sur le regard le plus inhumain qu'elle ait eu à rencontrer.


Ce visage…Il lui était si familier mais elle ne parvenait pas à le replacer immédiatement. Il n'était pas tout à fait humain, il était presque… « loup » ? Une légère fourrure ornait ses tempes. Ses yeux étaient perçants, étirés, déjà prêts à lui retirer son âme. Quant elle remarqua ses crocs acérés paver un léger sourire, elle se souvint des mêmes traits sur une affiche près de la Taverne de Rosmerta, incitant à la recherche et l'arrêt du dangereux Fenrir Greyback. Bon sang…Maudite Fortune. Il avait fallu que ce soit lui parmi tant d'autres.


Elle tenta de se dégager mais ne bougea pas d'un iota, ce qui semblait l'amusait davantage. Elle devait le divertir au possible, lui offrant exactement ce qu'il voulait. Fort de ce constat, elle préférait alors changer de tactique et essayer d'analyser ses chances de se tirer sans trop de mal.


_Ton odeur est délicieuse, princesse. Tu m'as l'air très très appétissante.


_D'ordinaire, on me dit plutôt indigeste. Je ne me conseillerais pas.


Neville l'aurait morigéné pour son piètre timing mais en même temps, que pouvait-on escompter qu'elle fasse ? Elle était seule avec ce monstre dans une allée déserte. Ses chances de survie étaient plutôt minces. Elle tentait une feinte en bougeant légèrement sa main tenant sa baguette mais il l'a perçu et s'empara de son autre bras, l'immobilisant totalement. Il expira lentement, provoquant un haut-le-cœur. Il était répugnant. Etait-ce le sang de ses victimes dont il s'abreuvait qui lui donnait une telle haleine ? Etait-elle la prochaine ?


Comment allait-il s'y prendre ? Serait-ce rapide ? Allait-elle en souffrir ? Il fourragea son nez dans ses cheveux, humant voracement son odeur. Il s'en repaissait, l'horripilant au passage. Elle le sentait tout autour d'elle et ne pouvait le supporter. Il la salissait. Elle devait tenter quelque chose, n'importe quoi. Elle devait se battre, réagir.


Elle amassa un semblant de courage, profitant de la fine marge de manœuvre qu'il lui octroyait et lui assénait un coup qu'elle espérait fort, dans son estomac. Cela n'eut malheureusement pas l'effet escompté. Elle souffrit et il partit d'un grand rire. Il la secoua alors comme un prunier, avant de l'emprisonner entre son corps et le mur qui lui avait servi de support auparavant. C'en était fini pour elle sur ce coups-là.


Elle le vit se rapprocher d'elle, de sa gorge plus précisément, prêt à lui retirer toute essence vitale et eut du mal à ne pas déglutir en constatant qu'elle ne pouvait vraiment rien contre lui. Il n'en finissait pas de progresser, éraflant presque de ses dents, sa chair.


Une kyrielle de pensées jaillit de sa tête, hasardeuses, désordonnées, ne lui laissant pas le temps de les étudier une à une. Elle ferma les yeux, essayant de se concentrer, souhaitant se réfugier dans sa tête plutôt que d'assister à ce qu'il allait arriver.


Ce fut pour cela qu'elle ne le vit pas arriver, qu'elle ne le perçut pas. Le corps de Fenrir s'immobilisa brutalement et glissa lentement en l'emmenant à sa suite. La masse qu'il représentait lui coupa le souffle dans sa chute, provoquant un vertige momentané dont elle fut sortie brusquement lors que deux bras la tirèrent de là et la soulevèrent du sol.


Elle se retrouva alors, à sa grande surprise, contre nulle autre qu'Harry Potter.


_Vous ne craignez plus rien, Ginny.


D'autres pas semblaient se mouvoir autour d'eux, saisir la forme immense de Greyback, disparaître, réapparaître de son champ de vision.


_Accrochez-vous à moi, murmura-t-il en la resserrant contre lui avant de transplaner à son tour.


Il lui sembla perdre conscience à ce moment-là.


-SA-


Son esprit était encore embrouillé lorsqu'elle reprit conscience mais n'eut aucun mal à reconnaître l'odeur de l'infirmerie. Elle était après tout caractéristique et capable de réveiller un mort. Sans jeu de mot.


Elle était légèrement endolorie et n'eut aucun doute sur le fait que Fenrir en était la cause. De ses vagues réminiscences, elle se souvenait qu'il avait été appréhendé à sa grande joie. Il ne pourrait nuire à présent, du moins pour l'instant.


Elle ouvrit les yeux et confirma sa présence dans l'antre de Mrs Pomfresh qui avait comme d'ordinaire bien pris soin d'elle. Elle était bordée dans une de ses robes d'un blanc aveuglant, ses affaires posées à ses côtés sur la table de chevet. Sur la chaise, un Neville ronflant avait élu domicile.


Elle eut un sourire attendri avant de se redresser un peu, cela lui tira une grimace due au tiraillement qu'elle ressentit aux côtes mais cela lui semblait bénin. Elle saisit un de ses oreillers et le lui balança sur la tête. Il se réveilla en sursaut, en regardant de toute part, arrachant un rire à la jeune fille.


_Tu n'es pas drôle, Ginny. Je faisais un super rêve, déclara-t-il en se rasseyant et en essuyant de sa manche, le filet de bave qui suintait du coin de sa bouche.


_Luna en serait-elle l'actrice principale ?


_Tu es donc réveillée, je suppose donc que tu es suffisamment en vie pour que je t'assène la raclée de ta vie. Non mais sérieusement Ginny, je n'ai jamais eu aussi peur.


_Je dois t'avouer n'avoir pas prévu un tête-à-tête avec Greyback aujourd'hui.


Il émit un long soupir avant de prendre une de ses mains entre les siennes. Il y déposa un baiser avant de plonger son regard dans le sien.


_Je suis désolé, Ginny. J'aurais dû te protéger.


_Non Neville. Tu n'aurais rien pu faire. Je n'étais pas préparée. Absolument pas.


_Comment aurais-tu pu l'être ?


_En redoublant d'effort. Je n'avais pas envisagé que cela aurait pu arriver aussi vite, que l'on soit si rapidement susceptible de tomber dans la gueule du loup. Sans jeu de mot.


_Qu'as-tu en tête pour y remédier ?


_Je ne sais pas encore, murmura-t-elle.


Le silence les étreignit un instant avant qu'ils ne soient interrompus par le bruit de pas d'un nouveau arrivant. L'ombre de Harry Potter surgit alors des paravents, les surprenant grandement.


_Bonsoir Professeur, déclara Neville en se levant.


_Bonsoir Monsieur Londubat, nul besoin de vous lever. Je venais prendre des nouvelles de notre chère héroïne du jour.


_Héroïne ? Vous vous trompez professeur. J'ai été incapable de me défendre.


Il la contempla un moment, comprenant toute la honte qu'elle devait ressentir à travers ce qu'elle taisait. Neville en profita pour se lever, annonçant son congé.


_Je vais vous laisser. Bonne nuit, Ginny.


Il ébouriffa ses cheveux, à son grand damne, ce qui l'amusa grandement alors qu'il quittait les lieux. Comment pouvait-elle être amie avec un tel être ?


Harry Potter prit la place précédemment occupée par son ami et darda son regard émeraude sur elle, captant toute son attention.


_Ne sous-estimez pas ce que vous avez fait aujourd'hui, Ginny. Vous avez tenu suffisamment longtemps pour que nous puissions intervenir et enfermer un des Mangemorts les plus recherchés de notre monde. Vous avez accompli aujourd'hui ce que nous, Aurors, avons mis des années à faire. Ce n'est pas rien, je vous prie de le croire.


_Mais je suis restée inerte alors qu'il était prêt à m'attaquer, quel type de sorcier ferait cela ?


_ Un sorcier suffisamment intelligent pour savoir quand il est nécessaire d'agir.


_A la porte de la mort, il me semble intelligent justement de réagir.


Il eut un sourire en s'adossant, ne la quittant toujours pas des yeux. Là où elle aurait dû en ressentir un malaise, elle se sentait bien, en sécurité, comme si à ses côtés, rien ne pouvait l'attendre. C'était inévitablement cela le pouvoir de l'Élu.


_Nous sommes tous conditionnés différemment face à l'adversité. Le conditionnement, Ginny, est la clé de tout. Savoir exactement ce qui doit être fait au moment venu. J'ai eu toute ma vie pour l'apprendre. Les épreuves m'ont forgé comme elles vous forgeront.


_Comment m'y préparer, Professeur ? Je ne veux plus me sentir aussi faible qu'aujourd'hui.


_Ce n'était pas de la faiblesse.


_Appelez cela comme vous le souhaitez. Je n'étais pas utile là-bas. Je n'ai pas su me protéger comme j'aurais été incapable de protéger quiconque qui aurait été à mes côtés.


_Que souhaitez-vous donc, Miss Weasley ? S'enquit-il, amusé.


Le fait qu'il l'ait interpelé par son nom de famille ne lui avait pas échappé, alors qu'il avait utilisé son prénom jusqu'alors. Elle ne s'en formalisa pas car elle savait à présent ce qu'elle voulait lui demander, ce qu'elle souhaitait. Ce qui n'était qu'une idée lorsque Neville était là devint soudain une pensée cohérente, une réalité.


_Enseignez moi. Apprenez moi à me battre, Professeur.


_Mes cours sont justement l'occasion de vous entraîner.


_Non, Professeur. Je veux être entraînée à tuer un Mangemort.


_Tuer une autre personne, Ginny, demande une volonté qui ne peut jaillir que d'une haine dont vous ne pouvez disposer.


_Qu'en savez-vous ? Vous n'étiez pas là.


Ses yeux s'embuèrent alors que la scène lui revenait en tête. Enfin, une réaction normale se dit-elle. Elle finissait par se demander si tout tournait vraiment rond en elle. Elle eut du mal à retenir une larme qui glissa le long de sa joue. Elle l'essuya rageusement, s'en voulant de se montrer aussi faible.


Son jeune professeur se leva alors, prenant place sur le lit, près d'elle et retira de sa veste un mouchoir brodé avec ses initiales. Elle le remercia alors qu'elle s'essuyait les yeux. Il poursuivit alors, en la fourrageant du regard.


_Je n'ose imaginer la peur qui a dû vous gagner à ce moment-là, la haine que vous devez ressentir en cet instant mais cela ne saurait être suffisant.


_Je ne peux l'accepter. Il doit y avoir un moyen pour moi d'apprendre.


L'hésitation parcourut le visage du jeune homme alors qu'il prenait conscience de la détermination et la motivation qui luisaient dans les prunelles sombres de sa jeune élève. Il connaissait ce sentiment, ce besoin de pouvoir réagir, de ne plus être laissé pour compte. Il l'avait ressenti toute sa vie. Il s'était engagé à ne jamais être démuni et à ne plus jamais laisser quiconque l'atteindre ou atteindre quelqu'un à qui il pouvait tenir.


Comprenant qu'elle y était presque, elle saisit sa main et l'enserra dans les siennes.


_S'il vous plaît, Professeur. Aidez moi.


Ron allait certainement le tuer pour ne serait-ce qu'avoir envisagé la chose mais il ne pouvait s'y dérober à présent. Il savait qu'il ne pouvait le lui refuser. Cela sonnait comme une évidence en lui. Il eut un soupir et opina lentement, provoquant l'ébahissement de la jeune fille. Elle n'aurait pas cru qu'il accepterait aussi vite et était déjà prête à argumenter davantage.


_Reposez-vous pour le moment. Nous en reparlerons à votre sortie. Bonne nuit, Ginny.


Elle était redevenue Ginny, cela aussi ne lui échappa pas. Il s'en alla sans attendre son reste, la laissant seule dans la pénombre de son infirmerie, illuminée uniquement par la bougie posée sur sa table de chevet.


_Bonne nuit, Professeur, murmura-t-elle finalement.

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